Les marques s’emparent du boom végétarien, mais réussissent-elles à transformer le marché de nos assiettes ? 

Le tournant des alternatives à la consommation de viandes n’a pas pris les géants de l’agroalimentaire de court, bien qu’ils aient été devancé par les sociétés historiques aux allures un peu plus extrêmes. Le but, toujours l’argent, vertueux ou non. Ce marché est-il un bon plan pour les entreprises qui le pratiquent ?

Une histoire vieille comme le monde

L’Homme ce chasseur-cueilleur

Depuis l’origine de l’humanité, nous avons dû faire face à des périodes où nous rentrions bredouille (comme on le dit dans le Champenois), ce véganisme subit a pris, durant l’antiquité, une forme volontaire avec des figures célèbres comme Pythagore qui prônait à son auditoire l’exclusion des viandes de l’alimentation, en plus de son théorème. Au Moyen Age, période marquée par une grande pauvreté, c’est le retour de la version subie : nous ne mangeons pas ou peu de viande et il faudra attendre le XIXe siècle pour que le mouvement des véganes se structure pour aboutir dans la seconde moitié du XXe siècle aux différentes formes que nous lui connaissons aujourd’hui.

Dans les sociétés à fort Indice de Développement Humain, l’accès au savoir, la distance avec les pratiques de nos grands parents, la surenchère des actions coup de poing sur la violence aux animaux et bien d’autres facteurs ont bouleversé notre approche de l’animal, lui prêtant une âme. Il faut reconnaitre que les « expériences de bien-être » autour des animaux producteurs de viande peuvent laisser sans voix : les vaches aiment tout autant les massages que nous, les cochons sont des animaux de compagnie rivalisant avec les chiens les plus brillants, les poulpes semblent pouvoir s’attacher… Mais ce qui ressemble à une contrainte est en réalité une aubaine pour le business du sans viande.

Homo Sensibilus

A titre personnel, ce sont les tristes performances filmées par L214 qui m’ ont le plus marqué, marqué au point de m’avoir rendu Flexi, moi qu’on surnommait le « viandard ». Ces campagnes comme celles d’autres ONG (Greenpeace, PETA ou d’autres) jouent un rôle fort dans la démocratisation de ces nouveaux modes d’alimentation. Ces associations ont compris et calqué le fonctionnement des grandes marques et des lobbys pour en reprendre les codes tant sur le plan médiatique que sur le plan politique, au point de s’être approprié le débat. Maintenant, nous pouvons suivre la Vegenuary (végan tout le mois de janvier) ou les lundis verts. C’est ainsi que des récentes études ont montré qu’en France 40% des consommateurs déclarent vouloir augmenter leur consommation de produits végans. Cela produit un effet boule de neige, génération après génération, tout autant d’assiettes modifiées qu’il faut continuer à remplir.

Ce que nous pourrions qualifier d’idéologie végétarienne gagne en visibilité, au point que l’agroalimentaire, qu’il s’agisse des sociétés historiques ou des géants, a flairé le potentiel économique de ce mouvement.

Ce membre de la famille nous fait dépenser plus de 5 milliards chaque année

Véganéconomie

Ces start-ups poussent comme des légumes

L’augmentation des formes de véganisme, ne veut pas dire que le goût ne nous manque pas, et Beyond Meat et Impossible Foods l’ont totalement assimilé en proposant des aliments à base de protéines végétales singeant leur pendant animal. Le marché grandissant, il était de 8 milliards de dollars dans le monde en 2022 et il aura presque doublé en 2027, leur a permis de faire les investissements nécessaires pour obtenir ce résultat.

En France, Les Nouveaux Fermiers ou HappyVore gagnent des parts de marchés grâce à leurs produits imitant parfaitement la texture de la viande avec des saveurs créées par des arômes naturels, en favorisant des productions locales, durables, exploitant au maximum le clean label. Il faut faire une aparté sur la société NotCo au Chili qui utilise l’intelligence artificielle pour « miner » les combinaisons d’ingrédients végétaux et ainsi produire des alternatives laitières et carnées. Je n’ai pas gouté, mais ma curiosité est piquée.

Des géants agroalimentaires aux géants verts

La croissance de la demande n’a pas laissé insensible l’industrie agroalimentaire, l’incitant à investir dans la création de produits végans. C’est ainsi que Nestlé avec sa marque nouvellement créée Garden Gourmet a conquis le marché des substituts de viande, ou encore que Danone, avec son rachat de WhiteWave Foods (12,5 milliards de dollars tout de même), a ajouté à son offre des yaourts et boissons destinées aux diverses déclinaisons de végétariens.

Mais la réussite n’est pas toujours au rendez-vous, et la toute puissance d’un groupe comme McDonald’s, ne suffit pas à l’efficience : Pour surfer sur cette tendance, le troisième plus gros franchiseur au monde, s’y est repris à 2 fois, d’abord avec un échec cuisant, le McPlant, un burger végétarien développé en partenariat avec Beyond Meat, puis il y a quelques semaines avec les Veggie McPlant Nuggets, dont le lancement est trop récent pour que nous puissions analyser les chiffres.

Des succès, des échecs, autant de preuves que le marché reste confronté à des obstacles majeurs.

L’arbre qui cache la forêt

Les opportunités cachées

Avec une croissance attendue de 6% par an, le marché mondial de l’alimentation végan devrait atteindre 24 milliards de dollars d’ici 2030. Pour continuer de gagner des parts de marché, les analystes misent sur un développement de produits ultra transformés : snacks, desserts, boissons, fauxmages (si, ça existe !). Surfant sur le concept dans sa totalité, les industriels apportent aussi les solutions aux potentielles carences créées par ce type d’alimentation en proposant des compléments alimentaires bourrés de vitamines.

Un coût synonyme d’engagement

Ce marché connait les mêmes limites à l’adoption généralisée que tous les marchés en transition : Le prix élevé pour compenser les investissements limite la pénétration des produits dans toutes les couches de la société. Cependant, prenant en compte cette dimension, il faut analyser l’achat d’un produit pouvant couter jusqu’à 2 fois le prix de son homologue carné comme un véritable engagement de celui qui l’achète, une adhésion à un modèle où la violence aux animaux est finalement exclue.

 

Sur le thème de nos habitudes de consommation :

 

N’oublions pas que la production de viande est un fort générateur de pollutions variées, une donnée qui vient ajouter au débat un argument de poids pour les produits sans viande (et plus encore). Un potentiel élan supplémentaire à la croissance de ce marché.

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Comment Pyhtagore sert la soupe à l'industrie agroalimentaire
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Comment Pyhtagore sert la soupe à l'industrie agroalimentaire
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Le tournant des alternatives à la consommation de viandes n'a pas pris les géants de l'agroalimentaire de court, bien qu'ils aient été devancé par les sociétés historiques aux allures un peu plus extrêmes. Le but, toujours l'argent, vertueux ou non. Ce marché est-il un bon plan pour les entreprises qui le pratiquent ?
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À propos de l'auteur

Mathieu VELER-MADUEL

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